En entrant, j’ai senti d’abord une douce chaleur et l’odeur du bois. Au premier regard à travers la baie vitrée et sur le ballet des hommes en contrebas, ma première pensée a été : le temps n’existe pas. Je suis restée longtemps comme ça à ne penser à rien d’autre qu’à cette question là, celle du temps. Et petit à petit, je suis partie loin, ailleurs, dans d’autres temps, tous superposés au mien, coexistants avec ce moment, avec cet aujourd’hui, au-dessus d’Evreux et de ses habitants qui passaient, couraient, se dépêchaient ou au contraire prenaient le temps d’avancer nonchalamment vers leur voiture, leurs enfants, leur destin. Un chant s’est fait entendre, venu du silence, de la colline en face, de la lune. La voix a jailli, libre, surprenante à mon oreille. Le bois de la cabane lui donnait une douceur et une puissance que je n’avais jamais entendues. J’ai chanté des chants que je ne connaissais pas mais dont je me suis souvenue, dans une langue étrangère que je ne parle pas. J’ai voyagé ce soir ailleurs et dans le temps, dans ce temps qui n’existe pas, accompagnée par ces hommes, ces femmes, qui bien qu’ignorant ma présence, m’ont fait ressentir le mouvement de l’existence. Le soleil s’est couché, la voix s’est tue. J’ai quitté la cabane à regrets. Merci.

Veille du 25 avril 2018, 20h01.