Une petite heure de veille sur une si petite cité; presque étriquée vue du haut… étroite et ramassée sur elle comme les esprits qui habitent certains de ses lieux de décision, de pouvoir, d’élaboration. J’ai pensé à ces responsables qui ont depuis des heures, déjà, désertés leurs bureaux et sur lesquels ne veillent qu’eux-mêmes. Leurs lieux se sont éteints les premiers au soleil couchant :la maison du chef du village, la tour de l’effroi, les flèches de la cathédrale… Tout ces symboles ont sombré dans l’ombre alors que de la colline Nétreville les blocs à vivre et à survivre conservaient encore leur luminescente dignité.
Trois châteaux d’eau encadrent cette cité où viennent s’étancher ceux que le désert à épargner.
De l’eau : luxe !
Alors que le soleil avait basculé et que l’ombre montait à l’assaut des toits telle la mer envahissant peu à peu le Zodiac, j’ai pensé à ces deux frères jumeaux noyés dans la même eau et dont tu n’as pu me montrer qu’une photo.
J’ai pensé à toi, Kalifa, reparti en errance après avoir été rejeté par cette ville sans asile pour toi.
Mais j’ai pensé aussi à cet étonnement que j’ai perçu dans le regard de cet enfant de 17 ans (ou moins… ou plus) quand je lui expliquai que le soleil que nous voyions alors se lever était le même que celui que son père avait dû voir se lever quelques heures plus tôt, en Guinée.
J’ai pensé que ce soleil serait le même pour le prochain veilleur et que l’éveil en serait peut-être un peu plus ouvert à nos consciences.

Veille du 7 mai 2018, 20h18.